Mémoire naturelle mais aussi
mémoire
culturelle, le tilleul de
Bioul fait partie des arbres les
plus exceptionnels de Wallonie.
Situé sur une hauteur, son rôle comme point de repère est attesté depuis le XVe siècle. De
nombreuses cartes anciennes
le renseignent à ce titre, tantôt
comme le « grant tilloux »,
« grand tillieux » ou encore plus
tard « tilleul de Biou ».
Il est établi aussi que Bioul fut très
tôt érigé en seigneurie hautaine
au sein du bailliage de Bouvignes
et était reconnu comme un des
plus beaux fiefs du Namurois.
Il est possible qu’à l’époque, le
tilleul marquait les limites du
domaine seigneurial où justice
était rendue…
Au vu de ses caractéristiques
physiologiques et de son intérêt
historique,
cet arbre de mémoire
mérite une reconnaissance patrimoniale
en tant que témoin
vivant de l’histoire du village.
« Transportons-nous au lieu-dit : Vî pays, chemin de Bioul à Saint-Gérard, à moins d’un kilomètre de
Bioul, cote 254. De ce lieu élevé, le regard embrasse une immense étendue de pays, c’était probablement
autrefois un lieu sacré, et voici un Tilleul qui en représente le dernier vestige.
L’arbre est très beau, très romantique, d’une vétusté extrême ; le tronc est régulièrement conique et
chargé de branches formant une cime développée surtout vers l’ouest. Le tronc s’est creusé d’abord, ne
laissant qu’une mince paroi ligneuse, et plus de la moitié de cette paroi a disparu ensuite du côté de
l’est. On voit les traces d’un feu qu’on a jadis allumé dans cette cheminée naturelle.
Le mur ligneux qui persiste, et dont une section horizontale à n’importe quel niveau serait un arc, est
percé d’ouvertures irrégulières ; mais voici le détail le plus curieux : la surface intérieure de ce mur
s’est recouverte en grande partie de bois neuf et d’écorce jeune. Il est rare de voir les plaies et entailles
d’un arbre se cicatriser aussi radicalement.
La formation du bois neuf et de l’écorce qui le recouvre ne prend pas origine sur le vieux bois à
l’intérieur du creux ; mais par tous les trous ou fentes du cylindre le cambium extérieur pénètre, s’étend
peu à peu, tapisse les bords du trou, puis en quelques années déborde à l’intérieur. Le procédé est bien
apparent sur tous les vieux Tilleuls.
Un tronc de cette forme n’a pas de circonférence. Diamètre maximum : 2 mètres.
Etant donné ce qui reste du tronc primitif, la circonférence de l’arbre devait être considérable.
Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour se représenter nos ancêtres Gaulois faisant la huchée en ce
lieu élevé, autour d’un arbre énorme, prédécesseur du Tilleul actuel. »
Extrait de l’ouvrage de Jean Chalon « Les arbres fétiches de la Belgique » (1912)